Dominique
mène, après la mort accidentelle de son père, une vie étroite, mesquine
jusqu'à l'étouffement. Pourtant, elle n'en souffre pas puisque elle vit
ailleurs, dans le monde des livres, avec tous leurs mots magiques.
Devenue adulte, la médiocrité d'un quotidien simplement ordinaire, avec
les nécessités matérielles qui dévorent son temps et la privent de ses
habitudes d'évasion, va un jour la prendre à la gorge. Et si elle
tentait de vivre pour de bon une passion véritable ? Mais
face au réalisme raisonnable des autres, peut-on espérer s'affirmer
quand on vit « les yeux dans le vague » ?
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Un extrait :
Quand
Nathalie eut soufflé sa bougie, la conversation trouva soudain une
direction de choix : cette petite puce, ce petit bouchon, ce
petit lapin. « Hein, il y a un an, tu n'avais pas autant de
souffle, mon petit canard ! » Il y eut un vague regard vers
Dominique, responsable encore citée, mais tout de suite, le tir se
recentra : quand elle ira à l'école, quand elle fera sa
communion, quand elle se mariera. Et l'évidence, soudain : un
enfant, c'est le pire des repères pour le temps qui
passe : quand elle sera grande, je serai vieille et il ne me
sera rien arrivé de vrai, d'important. J'ai froid. Je suis glacée de la
tête aux pieds. Je ne vis déjà plus du tout pour moi. Je suis la femme
de Michel, la mère de Nathalie. Quand je suis avec elle, je ne peux
plus rien imaginer ; avec Michel, c'est
difficile ; au travail, ce l'est encore plus. Qu'est-ce qui
me reste ? C'est comme si des grilles se refermaient autour de moi
pour m'interdire le départ. Bientôt, je serai en prison à perpétuité.
J'ai besoin qu'il m'arrive quelque chose, il faut que j'aie au moins un
souvenir à caresser, un coin de ciel à évoquer quand je me cogne aux
murs. J'aurai bientôt vingt-cinq ans ; je ne sais
rien ; la seule chose qui m'intéresserait, c'est l'amour, pas
la soumission au gentil mari modèle, mais un élan, un appel violent,
irrésistible. Au train où les années passent, je n'en ai plus pour
longtemps à pouvoir rencontrer quelque chose qui y ressemble. Il faut
que je trouve quelqu'un, il faut que quelque chose change.
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